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10 km de trop

Publié il y a 11 ans par

10 km de trop

La commission d'athlétisme de l'UJLL-FSCF vous présente ses meilleurs voeux pour la nouvelle année et vous offre cete petite histoire à méditer.

                                               10 km de trop

 

Nous sommes le 31 décembre, la nouvelle année frappe à la porte. Vers 18 h 30, un coureur à pied, Georges, appelons le Georges, rentre de son travail.

 

Entre le garage et l’habitation principale de sa maison, Georges a aménagé une pièce, son refuge. Des étagères courent le long des murs. Face à l’unique fenêtre, donnant sur la rue, est placé une table sur laquelle trône un ordinateur Mac 27 pouces. Sur les étagères, des piles de magazines, Jogging, VO2 Mag, Zatopeck,Courir en Alsace, et même, un lot de vieux Spiridon magazine que Georges a déniché cet été sur un vide greniers pour 50 €. Quelques coupes sont également rangées sur ces étagères. On y trouve aussi, impeccablement alignés, des dizaines de paires de chaussures de course de toutes marques et couleurs. En dessous de chaque paire figure un petit écriteau sur lequel est indiqués le nombre de kilomètres parcouru et les courses auxquelles elles ont participés. Sur la porte sont punaisés des centaines de dossards, témoins des compétitions que Georges à couru ; marathon de Paris, New York, Berlin, Barcelone, Londres, Semi de La Vantzenau, Crêtes Vosgiennes, trails de Lavoirs, etc…

 

Georges consulte son carnet d’entraînement. Il calcule le nombre de kilomètres parcouru cette année, autant à l’entraînement qu’en compétition. Avec effroi il s’aperçoit qu’il lui manque 10 km pour atteindre son objectif : 3 000 km dans l’année soit 75 de plus que l’an dernier. Il jette un œil sur sa montre, il est 18 h 35.

 

 Ce soir Georges et sa compagne, Christine, appelons la Christine , ont décidé de passer un réveillon qu’ils ne seront pas près d’oublier. Ils n’ont pas lésiné sur le prix, 250 € par personne pour un repas gastronomique dans un lieu enchanteur avec un orchestre de dix musiciens. Georges et Christine on prévue de se marier dans quelques semaines, trois jours après la St-Valentin. Christine trouve cela tellement romantique. Ils  vivent en couple depuis bientôt cinq ans. Avec au doigt sa bague de fiançailles offertes quelques mois plus tôt lors de la demande en mariage, Christine dansera ce soir jusqu’au bout de la nuit. Elle a réussi à convaincre Georges de la suivre dans un cours de danse. Sans avoir atteint la grâce et la souplesse de Christine, Georges est loin d’être ridicule lorsqu’il danse une valse, une salsa, un madison ou un rock. Ce réveillon va être grandiose, fabuleux. Ils ont rendez-vous à 19 h 30 avec un couple d’amis qui les accompagnera ce soir.

 

Que faire se demande Georges. Il ne réfléchit pas trop longtemps. Il enfile sa tenue de course, rejoint Christine dans la salle de bains. Elle est enveloppée dans un peignoir, assise devant sa coiffeuse. «  Chérie, nous aurons un peu de retard, je dois absolument courir encore 10 km pour atteindre mon objectif. J’en aurais pour à peine une heure. Tu peux prévenir Charlotte et Vincent ? » Georges pose négligemment un baiser sur le cou de Christine avant de rapidement s’éclipser. Dans la glace de la coiffeuse il ne voit pas le rictus qui déforme le visage angélique de Christine.

 

             Dans le garage il enfile ses baskets dernier cri dans les quelles il insère une puce qui lui analysera son entraînement en détail : distance, vitesse moyenne, rythme cardiaque, dénivelé, calories dépensés, etc…. Il allume sa lampe frontale et s’élance dans les rues vides de la ville en sifflotant gaiement. La vie est belle.

 

La course à pied qu’il pratique depuis un peu plus de cinq ans a transformé sa vie. Il a plus confiance en lui. Plus entreprenant il a déjà eu deux promotions dans sa vie professionnelle. Au fil des pas il se remémore cette année de course à pied. Les cross du trophée Paul Michaux en début d’année, le semi de La Vantzenau, les foulées vertes de Réding, les foulées du chocolat, la marathon de Paris, la Buhloise, les crêtes Vosgiennes, le trial des lavoirs, les foulées de la Zorn, le trail de la Bièvre, la ronde des globules, les foulées de noël et bien d’autres encore. Pas de podium, mais malgré tout des satisfactions, de belles rencontres, beaucoup de partage, de superbes paysages, Georges peut assurément être fière de son parcours. Dès demain il passera dans la catégorie des vétérans 1. Pas de quoi s’alarmer sur un éventuel vieillissement prématuré. Pour lui, l’âge est plus qu’une simple date sur le calendrier, l’âge est avant tout un état d’esprit. Depuis qu’il court, Georges a plutôt l’impression de rajeunir. N’est-il pas, en cinq ans, passé de 50 à 40 minutes sur le 10 km, de 4 h 50 à 3 h 30 sur le marathon. Une belle progression qu’il doit à sa détermination et aux nombreux plans d’entraînement qu’il puise dans les magazines ou sur internet et qu’il suit presque aveuglément. Pas un soupçon de blessures durant ces cinq années, pas une once de lassitude. La première année il avait parcouru moins de 1 000 km pour en arriver à près de 3000 les années suivantes. Sa progression fut relativement rapide mais il lui semble encore avoir de la marge. Consciemment ou inconsciemment il se fixe comme objectif de passer sous les 40 minutes au 10 km, 1 h 20 au semi, 3 heures au marathon et une place sur le podium en V1 au trophée Paul Michaux de cross. Ambitieux mais raisonnable pense Georges.

 

            En moins de 50 mn Georges boucle son parcours habituel. Il fait un peu froid, mais une sensation de bien être l’envahie comme toujours après l’effort. Avant de se changer et de prendre une douche, Georges insère la puce électronique sur son ordinateur qui affiche rapidement toutes les données analytiques de sa sortie. Il les transfère sur son fichier entraînement, tape sur la touche ENTER, et le logiciel lui calcule instantanément le nombre de kilomètres parcouru dans l’année. Georges n’en croit pas ses yeux lorsqu’apparaît le chiffre 3 015 km ; « super » se dit-il   « 15 km de plus que mon objectif, c’est génial ». Gaiement il va prendre sa douche.

 

Le silence dans la maison ne le surprend vraiment que lorsqu’il rentre dans la chambre à coucher. Il n’en sort pas moins un costume de la penderie sans se rendre compte que le côté réservé à Christine est entièrement vide. Ce n’est qu’en posant le costume sur le lit qu’il voit une feuille de papier sur son oreiller. Il la déplie et y lit, avec effarement, les quelques lignes dans lesquelles il reconnaît l’écriture de Christine. «  Georges, si la course à pied est pour toi plus importante que moi, je vais réveillonner toute seule. Ne cherche pas à me rejoindre, c’est fini entre nous !!!!!!!. ».

 

Bouche bée, le souffle coupé, Georges relit plusieurs fois ces mots avant d’en vraiment saisir le sens. Abattu sur le lit, il constate l’absence de la grande valise, d’habitude rangée au dessus de l’armoire. Tétanisé il ne bouge pas pendant de longues minutes. Sur la table de chevet brille la bague de fiançailles sertie d’un diamant. Un sanglot au fond de la gorge, Georges prend le vieux magazine Spiridon qui traîne à côté du lit .Dans un brouillard de larmes il lit l’article de la page de garde. Au fil des paragraphes il s’aperçoit, avec effroi, que l’auteur et rédacteur en chef du magazine, Noël Tamini narre, à quelques nuances près, l’histoire qu’il est en train de vivre.

 

 En conclusion de son article, Noël Tamini rappelle cette maxime que Georges aura désormais le temps de méditer : «  La course à pied n’est jamais que la plus importante des choses secondaires ».

 

                       Jean-Pierre Walch  2 janvier 2013

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